Adoptée au forceps sur fond de manifestations et de 49.3, la loi Travail du 8 août 2016 se compose de 123 articles et devrait nécessiter plus de 120 décrets d’application. Après la loi de sécurisation de l’emploi et la loi Rebsamen, elle introduit des modifications dans de nombreux domaines du droit du travail (négociation collective, durée du travail, médecine du travail, licenciement économique…). Le présent article se concentre sur 10 mesures importantes pour les PME.
- Validité des accords d’entreprise: Les accords majoritaires doivent progressivement devenir la règle au niveau de l’entreprise. Pour être valides, les accords devront être signés par des organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections des titulaires du CE ou de la DUP ou à défaut des DP (contre 30% aujourd’hui). Si les organisation syndicales signataires n’atteignent pas le seuil de 50 %, mais représentent plus de 30 % des suffrages exprimés, elles pourront déclencher une consultation des salariés. L’accord sera validé s’il est approuvé par la majorité des salariés.
- Primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail: La loi consacre la primauté de l’accord d’entreprise sur la convention ou l’accord de branche en matière de durée du travail. Dans les domaines suivants, l’accord d’entreprise s’appliquera donc en priorité, l’accord de branche n’intervenant qu’à défaut d’accord d’entreprise : taux de majoration des heures supplémentaires (le taux ne peut être inférieur à 10 %), mise en place des astreintes, mise en place du travail de nuit, contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage, dérogation à la durée minimale du repos quotidien, dérogation à la durée maximale quotidienne de travail…
- Accords de préservation ou du développement de l’emploi: La loi ouvre aux entreprises la possibilité d’adapter, par voie d’accord collectif, leur organisation aux variations d’activité. Ces accords dénommés accords de préservation ou de développement de l’emploi, parfois qualifiés d’accord de maintien dans l’emploi « offensifs », ne sont pas subordonnés à l’existence de difficultés économiques. Les stipulations de l’accord de préservation ou de développement de l’emploi se substituent aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail des salariés, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. L’accord ne peut cependant pas avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié.
- Sécurisation du régime des forfaits annuels en jours : La loi adapte les règles en matière de suivi de la charge de travail des salariés bénéficiant d’un forfait annuel en jours aux exigences de la Cour de cassation. L’accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours doit notamment déterminer les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié. Par ailleurs, la loi sécurise les conventions individuelles de forfait en jours conclus sur le fondement d’accords collectifs qui, à la date de publication de le la loi, ne sont pas conformes aux exigences de la jurisprudence et de la loi. Celles-ci peuvent continuer à s’appliquer si l’employeur respecte différentes obligations (établissement d’un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, contrôle de la compatibilité de la charge de travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, organisation d’un entretien annuel avec le salarié).
- Définition du motif économique de licenciement : La loi Travail procède à la redéfinition des critères du licenciement économique, notamment en complétant la liste des causes économiques prévue par le Code du travail et en précisant la notion de difficultés économiques. Dorénavant les difficultés économiques sont caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à : un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés, deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés, trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés et quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
- Surveillance médicale des salariés: La visite médicale d’embauche est remplacée par une visite d’information et de prévention. La visite d’information et de prévention n’est pas un examen médical ; elle n’est pas nécessairement pratiquée par le médecin du travail. Actuellement, les salariés doivent être examinés par le médecin du travail au moins tous les 2 ans pour vérification de leur aptitude. Ce suivi médical va désormais être effectué selon des modalités et une périodicité définies par un décret à paraître
- Inaptitude physique des salariés: Deux modifications de fond en matière d’inaptitude physique des salariés. D’une part, la procédure de constatation par le médecin du travail d’une telle inaptitude est remaniée. D’autre part, son régime est unifié, quelle que soit l’origine de la maladie ou de l’accident du salarié. Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.
- Compte personnel d’activité : Présenté comme l’une des mesures phares de la loi Travail, le compte personnel d’activité (CPA) regroupera en 2017 le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen. Le CPA sera ouvert pour chaque personne qui débute sa vie professionnelle. Le CPA couvrira tous les actifs : les salariés du secteur privé, les fonctionnaires, les travailleurs indépendants, les demandeurs d’emploi. Au fil de sa carrière, le bénéficiaire accumulera des droits et pourra décider de leur utilisation : formation, accompagnement dans un projet de création d’entreprise, bilan de compétences, passage à temps partiel ou départ anticipé à la retraite pour ceux qui ont occupé des emplois pénibles.
- Renforcement des droits des représentants syndicaux: La loi Travail comporte différentes mesures destinées à renforcer les droits et moyens des représentants syndicaux : augmentation de 20 % des crédits d’heures de délégation, amélioration de la couverture sociale des représentants syndicaux (la loi étend la couverture des accidents du travail et maladies professionnelles du délégué syndical à l’exercice de ses activités).
- Création d’un service d’information en droit du travail destiné aux PME: La loi Travail instaure un service d’information en droit du travail. Ce service sera mis en place par la DIRECCTE. Tout employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés pourra obtenir de l’administration une information précise sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ou des stipulations des accords et conventions collectives qui lui sont applicables. Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l’administration pourra être produit par l’entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi.