L’actualité brûlante nous donne l’occasion de faire le point sur un sujet bien souvent ignoré du chef d’entreprise : le statut de son conjoint travaillant au sein de l’entreprise. Le législateur, sans doute soucieux d’éviter au dirigeant d’avoir à trancher des questions d’ordre éthique, moral ou de lui épargner la délicate question de déterminer ce qui est légal mais qui n’est pas acceptable, a en effet tenu à organiser précisément le régime du conjoint collaborateur.
Bref rappel historique
Jusqu’au début des années 1980, une pratique généralement acceptée consistait à faire travailler au sein de l’entreprise familiale, souvent dirigée par le père de famille, l’épouse voire les enfants, encore étudiants ou non. On nommait cela l’« entraide familiale » ou l’« entraide conjugale ». Il s’agissait d’une pratique très répandue mais en dehors de tout cadre légal ou règlementaire : ce travail n’était pas déclaré et ne permettait à celui qui s’y adonnait de bénéficier d’aucun statut. Conséquence : l’épouse (dans 99% des cas) ou les enfants ne cotisaient à aucun organisme d’assurance maladie ou de retraite, n’étaient pas reconnus administrativement et ne jouissaient d’aucun statut dans l’entreprise, notamment vis-à-vis des autres salariés.
En cas de décès du père de famille, la situation de l’épouse pouvait s’avérer catastrophique.
Toutefois, la place prise par la femme dans le monde du travail au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’évolution des mœurs, le désir d’émancipation et surtout l’augmentation du nombre de divorces en particulier à partir des années 70 ont poussé les épouses à chercher à voir reconnaître leur contribution au développement de la société familiale.
C’est en 1982 que le législateur a officiellement reconnu le travail effectué par le conjoint dans l’entreprise familiale, en lui offrant le choix entre trois statuts :
– le conjoint salarié ;
– le conjoint associé ;
– le conjoint collaborateur.
Mais ce n’est seulement qu’avec la loi du 2 août 2005 que le choix entre ces trois statuts a été rendu obligatoire pour toutes les sociétés exerçant une activité commerciale, artisanale ou libérale. Le dispositif sera étendu en 2007 aux partenaires liés par un PACS.
Les trois statuts
- Le conjoint salarié
Le premier statut est celui du conjoint salarié : le conjoint sera titulaire d’un contrat de travail avec l’entreprise, recevra des fiches de paye mensuelles et se verra appliquer la convention collective applicable à l’entreprise concernée. Le conjoint salarié jouit des mêmes droits que tout salarié : cotisations et prestations maladie, maternité/paternité, retraite, accidents du travail, etc. De même, s’il bénéficie d’un contrat de travail, le conjoint du chef d’entreprise ouvre droit au bénéfice du CICE.
Le conjoint pourra également bénéficier des prestations pôle emploi en cas de perte de rupture de son contrat de travail. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, il conviendra d’établir l’existence d’un lien de subordination entre le dirigeant et son époux(se). A cet égard, il sera également possible d’obtenir un rescrit de Pôle Emploi afin de connaître sa position sur le paiement ou non des allocations en cas de rupture du contrat de travail du conjoint.
C’est d’ailleurs ce dernier aspect qui peut parfois poser problème : le conjoint d’un dirigeant pourrait avoir des réticences à reconnaître que, dans le cadre de sa vie professionnelle, le dirigeant puisse lui donner des ordres, des directives, déterminer ses horaires, contrôler l’exécution de son travail ou encore sanctionner les manquements.
Précisons à toutes fins utiles que le divorce ou la rupture du PACS n’aura aucune conséquence sur le contrat de travail : le divorce n’est pas une cause légitime de rupture d’un contrat de travail…
- Le conjoint associé
Le conjoint peut être associé aux côtés du dirigeant, il bénéficie alors de l’ensemble des prérogatives d’un associé : droit de se faire communiquer les comptes, participation aux assemblées générales.
Ainsi le conjoint participera à la vie de la société et percevra les fruits de son implication dans la vie de la société soit via la perception de dividendes, soit lors de la cession de celle-ci.
Selon le régime matrimonial des époux, associer le conjoint peut permettre de préparer une transmission intra-familiale de l’entreprise, au sein du couple ou au profit des enfants du couple.
Il convient de noter toutefois qu’en cas de séparation et en l’absence de stipulations précises dans des accords extrastatutaires notamment en matière de cessions de titres et de prise de décisions, une séparation peut conduire à une situation de blocage.
En outre, ce statut peut être cumulé avec celui de conjoint salarié ou de conjoint collaborateur.
- Le conjoint collaborateur
Le conjoint collaborateur exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise mais il ne perçoit pas de rémunération et n’a pas la qualité d’associé. Pour bénéficier de ce statut le conjoint doit être l’époux du chef d’entreprise ou lié avec lui par un PACS.
Ce statut n’est ouvert que pour l’entrepreneur individuel ou dans les EURL et les SARL dont le gérant est associé majoritaire (ou appartient à un collège de gérance majoritaire) et dont l’effectif ne dépasse pas 20 salariés.
La déclaration du statut de conjoint collaborateur s’effectue auprès du Centre de formalités des entreprises.
Le conjoint collaborateur ne cotise qu’à certains risques[1] :
– il ne cotise pas pour la maladie car il bénéficie gratuitement des prestations en nature (remboursement de frais médicaux …) en qualité d’ayant-droit du chef d’entreprise. En outre, la conjointe perçoit des indemnités de remplacement et une allocation de repos maternel en cas de maternité ou d’adoption.
Par ailleurs, le conjoint collaborateur cotise afin de percevoir les indemnités journalières de sécurité sociale en cas d’absence pour maladie. La cotisation est calculée forfaitairement et s’élève à 110 € en 2017.
En ce qui concerne la retraite et l’invalidité-décès, le conjoint collaborateur ne cotise personnellement que pour la retraite de base, la retraite complémentaire et l’invalidité-décès.
Les cotisations du conjoint collaborateur sont calculées soit sur la base d’un revenu forfaitaire, soit sur la base d’une quote-part du revenu du chef d’entreprise.
Il est important de noter que le bénéfice de l’ACCRE et de l’exonération de cotisations ouverte au salarié-créateur d’entreprise est réservé au chef d’entreprise. Le conjoint collaborateur continue donc de cotiser selon le système choisi.
En outre, le dispositif de cumul emploi/retraite a été considéré comme inapplicable aux conjoints collaborateurs qui ne perçoivent pas de rémunération et ne sont donc pas considérés comme exerçant une activité professionnelle.
L’équipe CJP – nous contacter
[1] Ce billet se voulant synthétique et les règles de calcul des cotisations et de leurs assiettes étant particulièrement complexes, il serait trop fastidieux de les reprendre ici de façon exhaustive. Nous vous invitons à nous consulter pour en connaître les détails.