Dans de nombreux cas de cession de contrôle, les cédants (ou les intermédiaires qui les conseillent) proposent de s’engager à céder en consentant une promesse unilatérale de vente. Cette technique, très usitée, présente un certain nombre de risques pour l’acquéreur qui peut éprouver des difficultés à obtenir l’exécution de cet engagement par le cédant.
C’est le cas quand le promettant (le cédant) dénonce la promesse pendant le délai d’option du bénéficiaire ou, encore, si le promettant cède les titres objet de la promesse à un tiers, au mépris de son engagement vis-à-vis du bénéficiaire.
Celui-ci se trouve alors fort dépourvu alors qu’il aura souvent engagé des frais importants dans la phase préparatoire de l’acquisition.
Les conséquences du défaut de précautions rédactionnelles
Une promesse de cession n’est efficace que si elle permet au bénéficiaire d’en obtenir l’exécution forcée en nature, c’est-à-dire de forcer la cession des titres. L’exécution forcée par équivalent, à savoir l’allocation de dommages-intérêts, n’est qu’un pis-aller.
En cas de rétractation de la promesse par le promettant avant la levée de l’option, les juges ne reconnaissent pas au bénéficiaire de la promesse l’exécution en nature, considérant qu’il n’y a pas eu rencontre de volontés entre le promettant et le bénéficiaire.
En cas de cession des titres à un tiers, seule la responsabilité du promettant peut être engagée lorsque le tiers est de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ignorait l’existence de la promesse. Si le tiers connaissait l’existence de la promesse (et si le bénéficiaire éconduit peut le démontrer !) alors la cession sera annulée et le bénéficiaire pourra faire exécuter la promesse (à condition que le délai d’exercice coure toujours et que le promettant n’ait pas rétracté son engagement entre temps…).
On le voit, une promesse de vente peut s’avérer totalement inefficace et, en l’absence de précautions rédactionnelles, le bénéficiaire ne pourra espérer que percevoir des dommages-intérêts… et son conseil essaiera de garder l’espoir que les relations de confiance tissées avec son client au cours de nombreuses années de collaboration fructueuse lui éviteront d’avoir à décrocher son téléphone pour souhaiter la nouvelle année à son assureur…
Les précautions rédactionnelles
La pratique a su développer des mécanismes permettant d’assurer l’exécution en nature des engagements du promettant ou à tout le moins de la rendre plus aisée.
Ces mécanismes sont les suivants :
1. alourdir les sanctions de l’inexécution de son engagement par le promettant en prévoyant une clause pénale ou une clause de dédit, qui impose le versement d’une somme au bénéficiaire en cas de non-exécution de l’engagement. Le montant d’une clause pénale (ou d’une clause de dédit, qui peut être requalifiée en clause pénale) peut toutefois être réduit par le juge si son montant est excessif. Or, c’est bien le caractère excessif qui serait dissuasif !
2. insérer dans l’acte une clause d’exécution forcée – qui prévoit qu’en cas d’inexécution de la promesse, le bénéficiaire pourra réclamer l’exécution en nature au juge. La validité de cette stipulation a été reconnue par la jurisprudence. Cette clause est en général doublée d’une renonciation expresse du promettant à se prévaloir des dispositions de l’article 1142 du Code civil[1], renonciation dont l’efficacité reste à valider par les juges.
En tout état de cause, ces mécanismes n’assurent pas une protection efficace en cas de cession par le promettant de ses titres à un tiers de bonne foi. Plusieurs mécanismes sont envisageables mais n’assurent pas une protection totale : on peut citer la désignation d’un tiers séquestre ou encore la fiducie gestion.
La meilleure protection pour se prémunir contre la cession à un tiers par le promettant des titres reste de constituer la mauvaise foi du tiers, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il n’ait pas d’autre choix que d’avoir connaissance de la promesse. Dès lors, le bénéficiaire éconduit pourra obtenir la nullité de la cession au tiers – ou, plus certainement, le tiers refusera d’acquérir les titres objet de la promesse, compte tenu du risque de nullité entachant la cession. Pour constituer la mauvaise foi du tiers, on fera intervenir la société à la promesse. On prévoira également dans les statuts de la société que tout associé désirant céder ses titres doit en informer la société et que tout cessionnaire doit interroger la société sur l’existence de promesses portant sur les titres.
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[1] Article 1142 c.civ : Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.