Depuis plusieurs arrêts de la Cour de cassation rendus le 13 septembre 2023, il est acquis que les salariés acquièrent des droits à congés payés au cours de leurs périodes d’arrêt maladie, quelle qu’en soit l’origine (voir notre article du 10/11/2023). Le législateur est intervenu pour mettre en conformité le Code du travail avec le droit de l’Union européenne.
Dans ce point d’actualité, nous faisons le point sur cette nouvelle réforme (Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 adaptation au droit de l’Union européenne – publiée au JOFR le 23 avril 2024) qui instaure, en matière sociale, d’une part les nouvelles règles d’acquisition des congés payés et d’autre part les délais pour agir des salariés et anciens salariés en réclamation de leurs droits.
Ouverture des droits à congés quelle que soit l’origine de l’arrêt maladie.
Le premier point majeur de la réforme, sans surprise, est que toute période d’arrêt de travail pour maladie ou accident, professionnel ou non, est considérée comme du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés, permettant ainsi au salarié d’obtenir des droits à congés durant ces périodes d’arrêt.
Des droits à congés payés distingués selon l’origine de la maladie ou accident
- Les arrêts maladies non-professionnels : le nombre de jours de congés acquis par le salarié lors d’un arrêt pour accident ou maladie d’origine non professionnelle est limité à 2 jours ouvrables par mois, dans la limite d’une attribution, à ce titre, de 24 jours ouvrables par période de référence.
- Arrêt maladie d’origine professionnelle : sans changement, le nombre de jours de congés acquis reste fixé à 2,5 jours ouvrables par mois, sans excéder 30 jours ouvrables par période de référence.
- Cumul des origines des arrêts : pour un salarié qui serait absent une première fois en raison d’un arrêt maladie professionnelle puis plus tard lors d’un arrêt trouvant une origine non professionnelle, il conviendra d’appliquer les 2 règles de calcul d’acquisition des congés.
Le calcul de l’indemnité de congés payés
Les règles de calcul de l’indemnité de congés payés sont adaptées : pour son calcul selon la règle « du dixième », les absences pour accident ou maladie non professionnel sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail, mais cette rémunération est prise en compte dans la limite de 80 %. En revanche, rien ne change pour les absences pour accident ou maladie professionnel, ces périodes d’arrêt de travail sont prises en compte comme si elles avaient été travaillées.
Concernant la règle du « maintien de salaire », la règle ne change pas : le salarié perçoit durant les congés payés la rémunération qu’il aurait perçue s’il n’avait pas été en congés, si elle est plus favorable.
L’apport de la nouveauté des 80 % reste limité aux cas habituels du recours au 1/10ème : des rémunérations supplémentaires versées durant la période d’acquisition (heures supplémentaires notamment), baisse de la durée du travail durant la période de prise des congés par rapport à la période d’acquisition.
La réforme met en place une obligation d’information à l’égard de l’employeur. En effet, dès que l’arrêt de travail pour maladie ou accident arrive à son terme ou au plus tard dans le mois qui suit la reprise du travail, l’employeur informe le salarié par tout moyen du nombre de jours de congés dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris.
15 mois au maximum pour solder les congés payés non pris
Les congés payés acquis n’ayant pu être posés par le salarié au cours de la période normale de prise des congés dans l’entreprise, en raison d’un arrêt de travail pour maladie ou accident devront désormais être pris dans un délai de 15 mois. A défaut ces congés non pris seront définitivement perdus.
Point de départ de la période de report de 15 mois
Le point de départ de cette période de report de 15 mois sera différent selon que le salarié est absent durant toute la période d’acquisition des congés (généralement du 1erjuin au 31 mai de l’année suivante), représentant une absence d’au moins 1 an, ou si le salarié reprend son travail avant la fin de cette période d’acquisition.
- Situation n°1 : le cas du salarié dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise des congés dans l’entreprise tout ou partie des congés qu’il a acquis : la période de report de 15 mois des congés payés acquis non utilisés débute dans ce cas à la date à laquelle le salarié reçoit, postérieurement à sa reprise du travail, l’information obligatoire prévue.
- Situation n°2 : le cas du salarié en arrêt de travail depuis au moins 1 an et couvrant toute la période de référence pour l’acquisition des congés : la période de report débute dans ce cas à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis.
Délais pour agir des salariés et anciens salariés en réclamation de leurs droits.
Les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de publication de la loi, soit le 24 avril 2024, ont un délai d’action de 2 ans, à peine de forclusion, pour solliciter en justice l’octroi de jours de congés acquis entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024 (soit jusqu’au 23 avril 2026 à minuit).
Pour les salariés qui, à la date du 24 avril 2024, ont définitivement quitté leur entreprise, c’est la prescription légale de trois ans qui s’applique ; c’est dans ce délai, qui court à compter de la fin de leur contrat de travail, qu’ils pourront réclamer une indemnité compensatrice de congés payés à leur ancien employeur au titre des dispositions issues de la loi du 22 avril 2024.
Les arrêts maladie concernés.
La loi prévoit expressément que les dispositions relatives à l’acquisition des congés pendant une période de maladie ou d’accident d’origine non professionnels, à l’information des salariés et au report des congés non pris sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 avril 2024.
Notons toutefois que cette rétroactivité ne peut conduire à ce que le salarié bénéficie de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d’acquisition des droits à congés, après prise en compte le cas échéant des droits à congés déjà acquis sur cette période.
Emmanuel Nivard, Avocat associé, Orko Avocats